12. LA PETITE BOUTIQUE Histoire

Les mots sont des trésors… mais il n’est pas toujours toujours possible de les dire.

 

Un message de votre Hotre hôte en CamargueJe recommande cette histoire à tous les gentil(le)s

Au cœur de la belle cité d'Aigues-Mortes se tient une drôle de librairie, appelée CATYGOR.

La plupart des gens se demande d'où vient ce nom bizarre et la libraire, cachée derrière son comptoir, pourra sans doute vous raconter l'origine de cette enseigne... mais moi qui suis un grand-père, j'ai bien connu l'ancien propriétaire : Monsieur IGOR.

C'était un grand artiste qui avait installé ici son petit monde, composé d’un atelier et d’une boutique ouverte au public. Oh! le magasin n’était pas très grand mais on y trouvait des trésors… en effet, Monsieur IGOR vendait des phrases en tous genres et pour toutes les occasions.

J’ai eu la chance d’entrer dans son atelier, là où, tous les matins, il inventait de nouvelles œuvres.

Il y avait, comme aujourd'hui, très peu de place. Les murs étaient donc couverts d’étagères. Et sur ces étagères, des centaines de bocaux contenant des milliers de mots attendaient l’inspiration de l’artiste.

Minutieusement, tous les matins, Monsieur IGOR piochait les mots qui lui plaisaient et les enfilait au fil du temps. Il brodait ensuite ses colliers de mots sur de magnifiques voilages ou des fils d'argent avant de les parsemer de points d’exclamation rigolos, de virgules enthousiastes, d’apostrophes dynamiques et de tous les accessoires que lui offre la ponctuation.

“Je t’aimerai toujours”, “tu m’as manqué!”, “m’accorderiez-vous cette danse?”, “A table, les enfants”...

Un beau matin, vers 10 heures, Monsieur IGOR ouvre sa boutique et les clients découvrent ses jolies guirlandes de mots aux intonations mélodieuses. Les acheteurs se pressent de choisir les paroles qui leur conviennent en prenant soin de lire les modes d’emploi… OUI! CAR LES PHRASES NE S’UTILISENT PAS TOUTES DE LA MÊME FAÇON! Certaines se glissent dans le cœur et s’enferment à double tour, d’autres se posent sur les joues tristes pour sécher les larmes, d’autres encore se chuchotent pour apaiser… ou se hurlent pour soulager.

Tous les habitués connaissent le fonctionnement du magasin : pour acheter une phrase… il faut en donner une autre. C’est ainsi que les vilains échangent des paroles de violence contre des “je t’aimerai toujours”, les amies troquent des phrases jalouses contre des “tu pourras compter sur moi”, tandis que les parents échangent leur colère pour des murmures d’affection.

Le soir, Monsieur IGOR trie les mots qu’il a reçu et les range dans ces bocaux, puis il se prépare à fermer la boutique car le lendemain, une nouvelle journée de travail l’attend.

C'est à ce moment que la porte du magasin s’ouvre sur une petite fille qui se faufile à travers les rayonnages et aperçoit enfin la phrase qu’elle espérait trouver. Elle saisit le petit collier aux trois mots rouges parfumés à la  tendresse et se dirige vers la caisse.

Monsieur IGOR salue sa dernière cliente : “Bonsoir fillette, c’est donc cette phrase qui te manquait? Alors prends-la mais avant dis-moi ton prénom et donne-moi quelques paroles, celles dont tu ne veux plus. Je t’écoute”

Mais la fillette ne peut pas répondre… elle n’a jamais su parler.

“Eh bien, mon enfant, tu gardes le silence?” demande Monsieur IGOR. “Tu sais, tu ne peux pas partir comme ça avec cette phrase. J’ai aussi besoin de mots pour vivre” murmure t-il.

La fillette hoche lentement la tête… mais aucun son ne sort de sa bouche puisqu’elle ne peut pas parler. Elle pose le collier sur le comptoir et sort un stylo de sa poche pour écrire dans le creux de sa main “Je m'appelle Cathy et je suis désolée je ne peux pas payer car je ne peux pas parler… au revoir monsieur et pardon pour le dérangement”.

Monsieur IGOR lit attentivement le message pendant que la fillette range son stylo.

Mais avant de partir, la fillette plonge son regard dans celui de Monsieur IGOR et un grand sourire illumine son visage. Alors Monsieur IGOR prend le collier aux trois mots et le donne à la petite fille. “Un sourire vaut parfois bien davantage que des mots” chuchote Monsieur IGOR . Tiens, reprends cette phrase, je t’en fais cadeau.”

La fillette attrape les trois mots et ressort son stylo.

Sur le vieux comptoir, elle grave cinq lettres. Puis elle s’en va, le collier autour du cœur avec les trois mots : “Maman, je t’aime”. La petite fille est toute heureuse car elle sait que cette phrase versera du soleil dans la vie de sa mère.

En fermant sa boutique, Monsieur IGOR se sent moins seul.

Sur son comptoir est gravé à jamais le souvenir de la fillette… et un mot qui n’a pas de prix : “MERCI”

Monsieur IGOR aurait-il raconté cette histoire à l'actuelle libraire pour lui inspirer le nom du magasin?

 

 

Une histoire inspirée de

LE COMMERCE DES MILLE ET UNE LETTRES de Marie GUILLE et Magali BEN

 

 

 

"C'est par une multitude de détails que l'on transforme un moment en Camargue en joli souvenir"

Membre du Réseau CAMARGUE-LOCATION

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.