03. ELIOT ET LA GRANDE FABRIQUE DES MOTS Histoire

Nous l'avons, aujourd'hui, oublié mais les mots ont une grande valeur. Imaginez votre vie si vous deviez les acheter au marché...

Un message de votre Hotre hôte en CamargueJe recommande cette histoire à tous les petits bavards
Je vous emmène donc dans un pays, que les conteurs détestent, où les gens ne parlent presque pas.
C'est le pays de la grande fabrique des mots.
Dans cette étrange contrée, il faut acheter les mots avant de pouvoir les prononcer.
La grande fabrique des mots est installée dans la capitale, immense, noire, bruyante, grouillante de milliers de personnes qui travaillent inlassablement jour et nuit.
Les mots qui sortent de ses machines infernales sont aussi variés que tous les langages du monde et on les achète, au quatre coins du pays, dans un tas de boutiques spécialisées, les unes en mots doux, les autres en mots d'amour, mots techniques, etc... et même en gros mots!
Il existe des mots qui valent plus cher que d'autres. On ne les dit pas souvent; sauf si on est très riche bien sûr.
Au pays de la grande fabrique de mots, parler coûte cher.
Ceux qui n'ont pas d'argent fouillent parfois dans les poubelles. Mais les mots jetés ne sont pas très intéressants: il y a beaucoup de "crottes de biques" et de "fesses de lapins".
Au printemps, les mots peuvent s'acheter en promotion. On part alors avec un lot de mots pour pas cher.
mais souvent, ces mots ne servent pas à grand-chose : que faire avec "ventriloque", "philodendron" ou "zigouigoui"?
Et les jour de grand vent on retrouve parfois certains mots dans l'air. Ces jours là, les enfants se précipitent dehors avec leur filet à papillons.
Ils sont fiers de pouvoir dire quelques mots à leurs parents, le soir, au dîner.
Aujourd'hui, Eliot a attrapé trois mots dans son filet.
Mais, il ne les dira pas ce soir, car il veut les garder pour quelqu'un de précieux.
Demain, c'est l'anniversaire de Cybelle et Eliot est amoureux.
Il aurait bien aimé lui dire "Je t'aime", mais il n'a pas assez d'argent dans sa tirelire.
Alors il lui offrira les mots de son filet : "cerise", "poussière", "étoile".
Cybelle habite dans la rue d'à côté.
Eliot sonne à sa porte.
Il ne dit pas "bonjour comment ça va?" car il n'a pas ces mots en réserve.
A la place, il sourit. Cybelle qui a une belle robe rouge cerise lui sourit aussi.
Mais, derrière elle, Eliot aperçoit Oscar.
Oscar est son plus grand ennemi. Ses parents sont très riches, mais ce n'est pas pour ça que Eliot le déteste.
Oscar ne sourit pas. Il parle.
A Cybelle!
"Je t'aime de tout mon coeur, ma Cybelle. Plus tard, je le sais, nous nous marierons"
"Il y en a pour une fortune!" pense Eliot.
Cybelle sourit toujours et Eliot ne sait pas à qui s'adresse son sourire.
Dans les yeux d'Oscar, il y a tant d'assurance.
"Mes mots sont si petits!" pense Eliot.
Il prend pourtant une grande inspiration, pense à tout l'amour qu'il a dans le cœur... puis il prononce les mots attrapés dans son filet.
Les mots volent vers Cybelle... comme des cailloux précieux : "cerise", "poussière", "étoile".
Cybelle ne sourit plus. Elle le regarde.
On dirait qu'elle n'a pas de mot en réserve.
Alors elle s'approche doucement et pose un doux baiser sur le nez d'Eliot.
Eliot n'a plus qu'un seul mot dans sa poche.
Il l'a trouvé il y a longtemps, dans une poubelle, parmi des centaines de "crottes de biques" et de "fesses de lapins".
Ce mot, il l'aime beaucoup. Il le gardait pour un grand jour... et ce grand jour est arrivé.
Il regarde Cybelle droit dans les yeux et lui dit :

"Encore"

un livre de : Agnès de Lestrade et Valeria Docampo

 

"C'est par une multitude de détails que l'on transforme un moment en Camargue en joli souvenir"

Membre du Réseau CAMARGUE-LOCATION

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