Les gros mots sont bien appétissants… mais gare à l’indigestion!
Je recommande cette histoire à tous les gourmands
Dans Saint-Laurent d’Aigouze, mon village, au beau milieu de la rue Carnot, votre attention sera captée par une étroite maison peinte en rose, très fleurie, sur laquelle est suspendue la très belle enseigne du petit restaurant l’Eigouzo. Tout le monde connaît le lieu et Marie-Jo, la restauratrice… mais ce que peu de gens savent c’est que cette maison était, au début du siècle, habitée par une fée. Puis la fée est partie et la maison a été vendu au papidou de Lila.
Lila, c’est une petite fille espiègle, qui a un secret (il ne faut surtout pas le répéter!). Elle aime les gros mots et profite de ses vacances chez son papidou pour les collectionner (oui, quand elle est avec ses parents… c’est beaucoup plus difficile!). Tous les jours, elle se promène dans le village et ramasse les gros mots qu’elle entend. C’est facile, ici, les camarguais en sont friands et n’hésitent pas à les clamer haut et fort. Et quand elle rentre chez son papidou, elle les enferme dans de grands bocaux.
Elle fini par en avoir tant et plus, qu’elle décide de faire un peu de place et d’en vendre une partie sur la place du marché. Elle fait donc un baluchon dans lequel elle place un joli tissu provençal, des gros mots par millier et un petit tabouret… et profite de la sieste de son papidou pour filer discrètement sur la place du village et s’installer, sous le gros platane, entre Patricia, la fromagère et Hassen, le vendeur de primeurs.
Une fois ses gros mots exposés sur le joli tissu, elle monte sur son petit tabouret et imite les marchands.
“Achetez mes gros mots ! Ils sont beaux, ils sont bons. Ils fondent dans la bouche comme des bonbons. Ils éliminent la nausée et les maux de tête. Achetez, achetez mes gros mots!”
Les saint-laurentais et les touristes sont amusés et achètent des gros mots, qu’ils placent dans leur panier et bientôt Lila n’a plus de marchandise. Elle replie son baluchon et retourne chez son papidou en chantonnant.
Mais en chemin… “ça va pas le tête?”, “Espèce de paltoquet”… des disputes éclatent à chaque coin de rue.
Des gros mots fusent comme des pétards les jours de fête. Certains éclaboussent les murs, d’autres atterrissent avec fracas sur les chapeaux des belles dames… Lila, affolée, rentre en courant se réfugier dans les bras de son papidou.
Le lendemain, à son réveil, de gros nuages, noirs de gros mots, se sont installés au-dessus du village, une lourde pluie de gros mots tombe sur le manteau de Lila qui marche vers son école où l’attendent les douces maîtresses et ses copines chéries. Mais, en arrivant dans la cour, Lila n’en croit pas ses yeux : les maîtresses sont en train de se crêper le chignon et les enfants font des concours de gros mots.
Dans les rues, envahies de gros mots, Lila court rejoindre son papidou.
“J’ai fait une énorme bêtise ! J’ai vendu des gros mots en cachette et maintenant tout le village a perdu la tête! sanglote Lila.
Papidou est ennuyé mais une idée lui frôle la moustache :
“Ne t’inquiète pas ma Lila, ce soir, nous allons organiser une chasse aux gros mots”
Lila sourit à travers ses larmes et murmure à son oreille “Tu es un super papidou”.
Quand tout le monde s’est endormi, Lila et son papidou font le tour de la place, passent par la mairie, rentrent dans les arènes et ramassent tous les gros mots qui jonchent le sol… quel travail! Ils rentrent épuisés au petit matin et pendant que Lila se repose, son papidou monte au grenier. Il se souvient que l’ancienne propriétaire, oui! la fée! avait laissé quelques affaires… dont un vieux livre de recettes un peu bizarres.
Le lendemain, au petit déjeuner, papidou ouvre le livre devant Lila : Confiture de ballons, Soupe de mensonges, Gâteau aux rires… Biscuits aux gros mots!
“Et si on essayait cette recette de fée?” dit papidou d’un air malicieux.
Et c’est ainsi que Lila et son papidou ont, petit à petit, transformé l’étroite maison rose en fabrique de biscuits.
La nuit, ils ramassent les gros mots dans les rues et le jour, ils les transforment en délicieux biscuits parfumés à la cannelle, au citron et à la vanille.
Une odeur douce et sucrée envahie les rue du village, la fumée qui s’échappe du four, se transforme en nuages blancs qui ont tôt fait de dissiper les nuages noirs de gros mots. Le village a enfin retrouvé ses couleurs
Quant à Lila, elle fait désormais officiellement partie des marchands de la place du village… avec son papidou.
“Achetez mes biscuits aux gros mots ! Ils sont beaux, ils sont bons. Ils fondent dans la bouche comme des bonbons. Ils éliminent la nausée et les gros mots de vos tête. Achetez, achetez mes biscuits aux gros mots!”
Inspiré du Livre “Les biscuits aux gros mots”
de NADIRA AOUADI et BENOIT CESARI aux éditions FRIMOUSSE